Maman pourquoi?
Ce soir là quand mon portable a sonné, je n'ai pas compris, je ne t'ai pas comprise. Mais j'ai su que tu allais mal. J'ai raccroché immédiatement pour appeler les secours, la famille, ton amie afin qu'elle vienne te voir au plus vite. Tu sais à quel point je m'inquiète toujours pour toi, surtout en étant si loin. Mais ce soir là n'était pas un soir comme les autres.
Mon Dieu, que se passait-il? Je me suis dit que peut être tu avais fait un malaise, qu'ils allaient te trouver inconsciente dans ta chambre. Ta tension? Les somnifères? L'alcool? Mais ils m'ont dit que tu étais tombée. Tombée? Dans l'escalier? Non. La fenêtre de l'étage était ouverte quand les pompiers sont arrivés.
Tu étais tombée sur le sol en béton de la sortie de garage, une chute du deuxième étage. Comment? Que s'est-il passé? C'est impossible ! Tu ne fermes jamais cette fenêtre, elle est bloquée par le bureau, il faut se hisser pour passer par-dessus.
Qu'est-ce qui nous arrive Maman?
Comment vas-tu? Pronostic incertain. Nombreuses fractures. Tu n'as pas bougé tes jambes. Peut être un traumatisme crânien. Direction l'hôpital.
J'ai attendu, rappelé, je n'ai pas su dormir. Vers 3h du matin j'ai appris que les résultats du scanner n'avaient pas révélé de lésions à la tête ni à la colonne vertébrale. Soulagement.
Mais peu à peu on m'informe de tes problèmes. Multiples fractures, rotule, fémur, hanche, bassin, tes deux poignets et ton visage, ta mâchoire, ton nez, tes pommettes. Tu es vivante mais dans quel état Maman...
Alors que tôt le matin après une nuit d'angoisse sans fond j'ai pris la route pour rejoindre ta maison, toi tu es restée plus de 12h en bloc opératoire. Nombreuses fractures ouvertes. Tu es en réanimation, sous trachéotomie, ils ont du t'enlever beaucoup de dents.
L'impression d'avoir passé des journées au téléphone à attendre des nouvelles, à répéter encore et encore à toutes ces personnes qui s'inquiètent les dernières choses que j'ai pu apprendre par les médecins.
Arrivée à la maison, dans cette grande maisons vide, j'ai regardé l'endroit où ils t'avaient retrouvée. Je n'arrive pas à chasser de ma tête les images que mon cerveau a construites. Ca me terrifie à chaque fois que j'y pense. J'essaie d'effacer tout ça mais ça revient. Je suis montée dans ta chambre, j'ai ouvert cette fenêtre, j'ai regardé ta chute, je l'ai imaginée.
Pourquoi... Comment...
J'ai retrouvé tes chaussons au pied de la fenêtre, posés, rangés presque. Les as-tu enlevés avant d'enjamber l'appui de fenêtre? Quel était ton désespoir à cet instant? Pour faire ce saut de l'ange dans le vide et affronter la solitude, la souffrance et la mort au pied de ta maison.
Tu ne pensais plus à moi, à ton petit fils qui t'aime tant. Tu devais être si malheureuse. Et des questions, encore et toujours. Voulais-tu simplement te faire mal, comme un appel au secours? Est-ce pour ça que tu avais pris ton portable? Comment as-tu trouvé l'ultime courage de m'appeler dans l'état dans lequel tu étais?
Et si tu n'avais pas pu appeler? Et si je n'avais pas répondu? Quelques minutes après tu étais inconsciente. Quand ton amie est arrivée, tu crachais du sang. Elle a été si bouleversée de te voir comme ça que lorsque je suis arrivée le lendemain elle m'a remis les clés en pleurs.
Moi je n'ai pas encore réussi à pleurer.
Maman pourquoi?